26 Mars 2020
- Le 26/03/2020
Mon compagnon de 30, non 40 ans et plus ! Mon scrabble. Comme vous le voyez, il est bien fatigué, sa boîte est éventrée, mais il continue de me servir fidèlement, m’apportant toujours beaucoup de joie et un moment béni qui m’éloigne du stress quotidien.
Lui aussi est toujours dans mes cartons prioritaires lors des déménagements, il me suit en vacances, bien sûr, j’affectionne particulièrement cette heure où le soleil commence à descendre à l’horizon, la température redescend doucement, alors que la terrasse nous accueille agréablement avant le dîner.
Sûr ! Aujourd’hui, les mots qui me sont venus sont « Bonheur », évidemment, car une partie est toujours un bonheur pour moi, et « Confiant », car je suis confiante dans le fait que nous allons bientôt toutes et tous nous retrouver, après cette période qui nous impose de prendre soin de nous et de ceux qui nous entourent si nous sommes confinés en famille, et qui incite à retrouver et redéfinir nos essentiels, loin des diktats des pubs (qui soient dit en passant continuent d’être diffusées normalement, je sais, je sais, c’est de l’argent, mais je suis la seule à être encore plus heurtée que d’habitude par leur futilité?).
Pour revenir au scrabble, il m’est revenu un souvenir de l’époque où je jouais assidûment en club et participais régulièrement à des championnats. Je n’étais pas dans les premières France, mais, bon, j’étais gentiment classée. « Je vous parle d’un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître », comme le chantait Charles Aznavour, pas d’ordinateur, un arbitre armé du Petit Robert et du Larousse et d’un sablier, nos jeux, papier, crayons, et en route ! J’étais fière de progresser et d’approcher les grands champions de l’époque, Michel Duguet en tête. Michel, s’il vous plaît, ne vous souvenez surtout pas de moi!!! Lors d’une compétition, j’ai pété les plombs et me suis très mal conduite, à l’occasion d’un fou rire mémorable, je pense un des 3 ou 5 plus gros fous rires de ma vie !
Je le dis souvent, je ne suis pas du soir, et les gardes de nuit pendant mes études étaient une véritable torture, je pèse mes mots, je pouvais vomir de fatigue si je n’avais pas ma dose de sommeil. Par contre, le matin, en pleine forme dès que j’ouvre un œil, et immédiatement opérationnelle. Donc, ma partenaire (nous jouions en duplicate), plus aventureuse que moi, m’avait convaincue de participer aux 24 heures du scrabble, compétition très prisée et draînant des joueurs de toute la France, dont le fameux futur « joueur du siècle ». Les horaires ? Je ne me souviens plus vraiment, 12 h – 12 h ou 14 h – 14h peut-être, puis la remise des prix (j’y ai gagné un très joli foulard en soie que je garde précieusement). Mais pourquoi avais-je accepté ???
Les parties s’enchaînaient (environ 1h 30 pour chacune), séparées par une courte pause pipi et café, puis retour en salle. Les premières parties se sont bien passées, nous restions pas trop loin du peloton de tête, et on commençait à se prendre la grosse tête. Malheureusement, moi, je ne buvais jamais de café que je ne tolérais pas du tout, mais c’était quand même bien pratique pour redonner un coup de fouet et doper les neurones. Donc, j’ai baissé la garde et en ai pris à chaque pause, le soir venu. Oh merveille, c’était drôlement efficace. Bon, nous étions un peu moins performantes, par apport aux robots invulnérables, mais cela restait honorable.
C’est à 5 heures et demi que le « drame » est survenu… Cela faisait un moment que les lettres dansaient devant mes yeux fatigués, mais jusque là, quand l’une luttait contre le sommeil, l’autre assurait, et vice versa. Et lors d’un tirage difficile, nous ne trouvions rien, jusqu’à ce qu’à force de bouger les lettres dans tous les sens, je pose un mot improbable. Quand je dis improbable, je veux dire qui n’existait pas. Mais à cet instant précis, dans l’état comateux où je me trouvais, pour moi, il existait vraiment. Tant et si bien que me voilà en train de convaincre mon amie dubitative, je lui trouvais un sens, une définition, tout, quoi, le Larousse n’avait qu’à bien se tenir. Nos conciliabules commençaient à gêner les voisins, et Michel lui-même, loin devant au premier rang, est sorti de sa concentration pour nous gratifier d’un œil noir et d’un « chut » impérieux. Et là, j’ai commencé à inventer plein de mots en rigolant, d’abord doucement, puis c’est devenu un fou-rire démentiel, m’obligeant à plonger sous le bureau. Evidemment, ma copine n’a pas pu résister longtemps, et sous les engueulades des tables avoisinantes, nous hoquetions de concert, le rimmel dégoulinait, on était incapable de résoudre les nouveaux tirages, nous ne pouvions plus nous arrêter de faire le pitre en instaurant un challenge : celle qui inventerait (en pleine conscience cette fois) le mot le plus rigolo. A nous deux les mots de 7 lettres comptant triple ! Nous nagions en plein délire, et notre fou rire a gagné les tables voisines, car, généreuses, nous partagions nos trouvailles. Tant et si bien que nous avons été priées de sortir, rouges à la foi de honte et de rire, car nous ne pouvions toujours pas nous arrêter. Il nous a fallu un bon moment pour nous calmer, même notre zéro pointé à cette partie n’y a pas réussi ! Inutile de vous dire l’humeur des autres compétiteurs à la pause. Une humeur de chien peut-être ??? Par contre, nous, détente totale, zen attitude, dynamisme retrouvé, neurones à nouveau disciplinés et au garde-à-vous, ce qui n’a pas suffi bien entendu à nous faire remonter dans le classement, mais quel pied ! Ce qu’on a pu rire ! Les courbatures abdominales gardées pendant plusieurs jours ne cessaient de me rappeler cet épisode (peu?) glorieux, et je repartais de plus belle. Que ce souvenir qui m’est revenu ce matin me fait du bien ! J’en pleure de rire en vous narrant l’anecdote. Le rire est un puissant guérisseur, au même titre que l’amour, la gratitude, il stimule notre immunité, renforce nos défenses, et rien de tel pour dégonfler les chevilles…
Alors, en cette période, pour celles et ceux qui ont la chance d’être à l’abri et en bonne santé, rassurés sur les conditions de leurs proches, abusons, abusons sans retenue de ce remède gratuit !